Elle avait failli être expulsée fin mai. Depuis, cette femme de 34 ans s'adapte à son existence caennaise avec ses deux petites filles sauvées de l'excision.
Toute de bleu vêtue, Oumou berce sereinement sa fillette de 8 mois, Aïssatou. Près d'elle, se tient la petite Yébé, 2 ans. Toutes trois sont provisoirement installées dans un appartement du quartier de la Folie-Couvrechef, au nord de Caen. La jeune femme n'arrive pas encore à oublier « l'humiliation et la peur » ressenties le mardi 30 mai. Ce jour-là, elle comptait boucler son dossier de demande d'asile à la préfecture, elle y a finalement été cueillie par des policiers.
Oumou a quitté Bamako seule (une première fille de 9 ans est restée dans sa belle-famille), visa touristique en poche, le 18 juin 2003. Dans l'espoir de « trouver quelque chose en France, un pays dont j'avais l'amour ». Elle débarque en Seine-Saint-Denis. « Je faisais des petites tresses pour subvenir à mes besoins. » Et démarre une nouvelle vie aux côtés du futur père de Yébé et d'Aïssatou. La première voit le jour avec, comme épée de Damoclès, la menace de l'excision. Ces mutilations génitales féminines touchent, au Mali, 91,6 % des filles, selon le Groupement pour l'abolition des mutilations sexuelles. « C'était prévu que je retourne en Afrique pour ça », admet Oumou. Elle-même a subi l'excision à 40 jours. « Je ne m'en souviens pas, évidemment ! Mais j'en subis les conséquences aujourd'hui... »
« Un cap très difficile »
Pour préserver ses enfants nées en France, elle s'échappe. La jeune femme enceinte de deux mois atterrit à Caen avec Yébé. À la Guérinière, une amie la dépanne, « subvient à mes besoins durant cinq mois ». Jusqu'à ce qu'Oumou trouve une autre solution par le biais du 115, service téléphonique gérant l'hébergement d'urgence. Et la voilà logée dans un hôtel de Saint-Contest, puis dans un foyer.
Cette Malienne se trouve sous le coup d'un arrêté de reconduite à la frontière depuis octobre 2005. Le jour de son interpellation, elle avait caché ses deux fillettes « en lieu sûr ». Oumou est finalement relâchée après plus de trois heures passées au poste de police. La préfecture l'autorise à rester, le temps que son dossier de demande d'asile soit examiné « en urgence » par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. La réponse se fait rapide, fin juin. Et positive. Oumou ne sera pas renvoyée au Mali.
« Ça a été un cap très difficile à passer, livre-t-elle aujourd'hui. On ne sait pas, on ne croit pas en Afrique qu'il faut des papiers pour s'installer en Europe. » Depuis, Oumou se plonge peu à peu dans sa nouvelle existence. « Nous pouvons rester dans cet appartement jusqu'au 30 septembre... Mais maintenant, c'est à moi de chercher. Avec les papiers, c'est d'autres problèmes, il faut continuer à se battre : je suis comme tout le monde, je dois me débrouiller, essayer de me stabiliser et trouver du travail. » En attendant, Oumou n'a d'yeux que pour ses filles.
À Caen, Oumou s'est battue pour ses papiers et ses deux filles, qui étaient menacées d'excision en cas de retour au Mali.