COMMUNIQUE HEBDOMADAIRE DU MOUVEMENT NORMAND
COMMUNIQUE N° 115 - SEMAINE 43 - 2009
QUI TROP EMBRASSE MAL ETREINT
RESUME- Les réformes concernant les collectivités locales proposés par le Président de la République répondent à un véritable besoin d'éclaircissement et d'efficacité nouvelle.
- Le système politique est ainsi fait que ces propositions de réformes ne sont pas accompagnées de la nécessaire pédagogie pour les faire admettre par des Elus d'abord attachés à leurs prébendes et à leurs sièges.
-Le temps manque (à cause du quinquennat) à son initiateur pour qu'il puisse rechercher un consensus autrement que par un passage en force.
- La France est-elle réformable ?
MOTS - CLEFSRéférendum de 1969 - Décentralisation - Régionalisation - Centralisme - Mille-feuille territorial - Conseiller territorial - Compétences générales.
TEXTELe syndrome de l'échec du référendum du 27 avril 1969 sur la régionalisation est en train de réapparaître quarante ans plus tard. Pour les mêmes raisons. Le syndicat des conservateurs de tous poils, des prébendiers et des cumulards, des tenants de la caporalisation de la République "une et indivisible" est vent debout contre les propositions de réformes des collectivités locales comme, hier, ils se dressaient contre la décentralisation et la régionalisation proposées par le Général De Gaulle. En 1969, on a perdu vingt ans avant d'en arriver à reconnaître le bien-fondé de la nécessité d'en finir avec le centralisme étouffant et stérilisant. En 2009, les mêmes vont essayer d'entraver les idées de réformes des collectivités locales proposées par le Président de la République. Pourtant, une majorité d'observateurs reconnaît qu'il faut en finir avec le mille-feuille des échelons de gestion des territoires, qu'il faut clarifier les compétences des collectivités locales, mettre fin au cumul des mandats, alléger les procédures et, certainement, redéfinir la répartition des impôts entre l'échelon national et les différents corps intermédiaires que sont les communes et communautés de communes, d'une part, les départements et les régions, d'autre part. Il semble d'ailleurs que chacun s'accorde pour considérer deux types de collectivités locales : celles de proximité (communes et C.D.C., ces dernières l'emportant par le nombre des compétences sur les premières), celles chargées des aménagements du territoire (les départements étant subordonnés aux régions).
Eclaircissement, hiérarchisation : le bon sens devrait l'emporter auprès des gens de bonne foi. C'est justement, là, où le bât blesse. La subordination des départements à la région est pratiquement expérimentée par le "276". Profitant d'une conjoncture électorale favorable (le président de la région haute Normandie, Alain Le Vern, bénéficiait d'une expérience que n'avaient point les présidents des conseils généraux de l'Eure et de la Seine-Maritime. De ce fait, il put proposer à ses collègues, socialistes comme lui, une "troïka", dont il est toujours le véritable leader. L'efficacité du"276" est indéniable. On l'a bien vu lors de la conclusion du Contrat de Projets Etat-Région qui, conjugué au contrat entre la région et les départements, a pratiquement doublé l'enveloppe financière de l'ensemble), donc, profitant de ce contexte et de cet exemple, la cause pourrait sembler entendue. En réalité, c'est le hourvari général, car, "comme c'est Sarko qui propose", c'est obligatoirement mauvais. Voilà comme l'on fait de la politique en France et comment la recherche de l'intérêt général est effectuée. En veut-on un autre exemple normand ? Le Comité Balladur s'est prononcé pour l'émergence de onze métropoles régionales, parmi lesquelles Rouen, dont la Communauté Urbaine atteindra le demi million d'habitants. Cette communauté -la C.R.E.A. - est voulue et promue par Laurent Fabius (et le Mouvement Normand soutient très fort ce projet), or, ce même Laurent Fabius semble refuser la proposition Balladur. Nous ne comprenons pas - et nous ne sommes pas les seuls - et nous demandons au Président de l'Agglo de Rouen de réviser sa position et de saisir cette opportunité de doter la Normandie d'un pôle urbain de première importance, reconnu par l'Etat lui-même, aujourd'hui "sarkozyen", demain qui sait ?
Est-ce à dire que toutes les propositions du Président de la République sont recevables, sans examen préalable ? Evidemment non. Mais le débat politique devrait consister justement à rechercher des consensus et non pas des affrontements stériles.
Le Mouvement Normand accepte l'idée du conseiller territorial, ayant la charge de gérer la Région, d'une part, et le département dont il est l'émanation, d'autre part. Cela signifie une alliance étroitedu couple département-Région, une représentation territoriale de cet élu, qui, ainsi, sera connu de ses mandants devant lesquels il aura à rendre des comptes plus facilement (C'est le cas des conseillers généraux actuellement, nullement celui des conseillers régionaux, pratiquement des inconnus du simple citoyen). Il y aura ainsi une représentation géographique équilibrée dans les deux assemblées, le Conseil régional comme le Conseil général. Le fait que le même élu ait à connaître les projets de l'une et l'autre structure évitera les doublons en matière de financements croisés ou superposés, car c'est ainsi que, concrètement, les prérogatives et les compétences des ces deux instances seront bien déterminées. Qu'on en finisse avec cette notion de "compétences générales" qui aboutit à ce qu'on ne sait plus qui fait quoi.
Certains disent que le fait d'appartenir à deux assemblées va conduire à une professionnalisation du conseiller territorial. Nous ne sommes pas hostiles à la dite professionnalisation (surtout si l'on compare au cumul des mandats tel qu'il est aujourd'hui pratiqué par les contempteurs de cette idée).. A notre avis, être le représentant d'un territoire au niveau départemental et au niveau régional st en soi une mission à plein temps et doit, de ce fait, s'accompagner d'un statut de l'élu, lui permettant de mener à bien ce mandat tout en lui garantissant un retour à la vie civile confortable - retour garanti à l'emploi, droits sociaux, etc. -. Nous considérons que la démocratie a un coût : l'élu doit avoir les moyens de mener à bien ses missions et nous ne sommes pas effarés des sommes qui leur sont allouées (frais de secrétariat, de documentation, de formation, de transport, de communication, de représentation, etc.). Nous préfrons - et de loin - la reconnaissance de la vraie mission de l'élu plutôt que la sordide et hypocrite chasse au cumul des mandats qui n'a pas d'autre justification que la recherche de prébendes permettant de tenir son rang.
Cela signifierait, paraît-il, la réduction de moitié du nombre des élus : de 6000, on passerait à 3000 ! Et alors ?
On attaque le projte sur un autre terrain : le mode d'élection de ces conseillers territoriaux. L'argument est à considérer et il est recevable. Non pas dans le fait que certains d'entre eux seront élus à la proportionnelle, les autres au scrutin majoritaire (après tout, pour le Séat, certains départements proposent l'élection des sénateurs au scrutin de liste, les autres au scrutin majoritaire...). A l'inverse, nous sommes très réticents devant la perspective du scrutin majoritaire à un seul tour (à la mode anglaise), car il est vrai que la tradition française s'accommode du système à deux tours.
Nous ne sommes pas naïfs au point de ne pas voir dans cette bizarrerie électorale autre chose qu'une préoccupation électoraliste favorisant la majorité présidentielle actuelle.
Et nous entendons distinguer ce qui, dans les projets présidentiels, ressort d'une volonté de réellement réformer les collectivités territoriales et ce qui relèvede l'inepte et éternel combat entre la Droite et la Gauche.
Le Mouvement Normand considère que les roueries électoralistes polluent le vrai débat sur le devenir de ces divers échelons territoriaux (nous n'en avons entrevu dans ce texte que quelque aspects...). C'est regrettable, mais c'est explicable.
Il y a une cause générale à cette confusion. Elle provient 'une initiative malheureuse du Gouvernement ospin : le passage au quinquennat du mandat présidentiel. A partir de ce fait initial, tout s'enchaîne : la "présidentialisation" du régime (un président élu pour cinq ans avec sa majorité ad hoc... une quasi impossibilité d'alternance pendant cette période..), un temps insuffisant pour faire mûrir les réformes ou les projets (au bout de deux ans de mandat, on pense au futur scrutin présidentiel... Autrement dit, ce qui n'a pas été réalisé pendant la première année ne peut s'effectuer sans pollution électoraliste par la suite), enfin la nécessité de mener tous les combats en même temps (réformes des structures des collectivités locales, suppression de la taxe professionnelle, remaniement de la carte électorale, etc.).
De ce fait - et nous assistons à ce hénomène actuellement - les projets de réformes - qui, pourtant, ne sont pas bâclés - sont proposés sans véritable pédagogie. D'autre part, la proximité des élections régionales, puis, n'en doutons pas, le début de la campagne présidentielle de 2012, rendent fébrile toute la classe politique, avec cette incertitude supplémentaire que, s'il y a alternance, toutes les réformes engagées seront remises sur le chantier. Nous aurions envie de crier "Halte au feu !" et de demander un moratoire de cinq ans durant lequel toutes les réformes (nécessaires) seraient discutées par des commissions ad hoc et transformées en lois constitutionnelles ratifiées par le Congrés (Sénat + Assemblée nationale). Au lieu de cela - un rêve impossible, convenons-en - l'opposition socialiste réclame un référendum à chaud, sachant très bien, que la question posée, réductrice évidemment, où il faut répondre par OUI ou par NON, ne vis en fait, qu'à dire si l'on approuve ou désapprouve le Président de la République. La ficelle est grosse, mais il est probable que l'opinion publique, trompée par ce stratagème, se prononce pour le NON (comme en 1969), tout en réclamant que les réformes proposées se réalisent dans les années suivantes.
Finalement, le choix politique français va-t-il être entre celui d'une Présidence à la Chirac (2ème manière), où l'immobilisme tenait lieu de consensus mou, ou celui d'une Présidence à la Sarkozy, frénétique, avec des passages en force, pour faire avancer le pays ? Cette remarque est valable pour la Droite : elle l'est tout autant pour la Gauche, si elle revenait au pouvoir.
Confusion, temps perdu, incapacité de se réformer à temps, tels sont les chemins de la République, cinquième du nom. Il est loin le temps où le Général De Gaulle, son fondateur, proclamait, en proposant une nouvelle constitution aux rançais : "C'est en un temps où il lui fallait se réformer ou périr que le peuple de France choisît la République". Sans doute, dans son esprit, ne s'agissait-il pas de la même République...
Didier PATTE
Président du Mouvement Normand