Record battu par les Ch'tis avec 17,4 millions d'entrées, dont plus de 132 000 dans la Manche. De quoi redonner des couleurs aux langues régionales.
Stéphane Laîné est chargé de cours en histoire de la langue française et dialectologie normande à la faculté de Caen. Il a réalisé une thèse sur l'évolution phonétique des toponymes dans le Nord-Cotentin.
Comment faut-il appeler le ch'timi et le normand : des langues régionales ou des patois ?
Il faut savoir que le patois n'est pas une langue, c'est simplement une variété de français d'origine latine qui a évolué différemment selon les régions et à travers les siècles. Celui qui patoise est conscient qu'il utilise un langage non officiel lorsqu'il dit « bi » pour « bien » ou « rin » pour « rien ». Tandis que l'on utilise le français régional en croyant être compris de tous : on parle par exemple de « toile » en Normandie et de « wassouingue » dans le Nord, pour désigner une serpillière.
Les langues régionales sont-elles revenues à la mode ?
On valorise ces spécificités locales aujourd'hui car, à l'heure de la mondialisation et de globalisation de l'économie comme de la culture, tout ce qui nous rattache à nos racines nous rassure. Mais quand les petits Normands reprennent des « hein » et des « biloute » entendus dans le film, cela tient plutôt du ressort de l'humour que du ch'ti. Pour moi, c'est un effet de mode qui passera.
Ce succès populaire pourrait-il faire réapparaître un patois normand courant ?
Je n'y crois pas. La pratique du dialecte s'estompe progressivement. Il ne reste parlé quotidiennement que par les plus de 70 ans et dans quelques milieux, rural notamment. Et encore, la plupart d'entre eux reprennent un français standard dès qu'ils poussent la porte d'une boulangerie.
Cela pourrait-il aller jusqu'à la disparition totale du normand ?
C'est irrévocable car il manque un chaînon dans la transmission de cette langue. Jusqu'à la Seconde Guerre mondiale, on apprenait le français à l'école mais on parlait patois à la maison. Ce qui ne fut plus le cas ensuite. Les quinquas d'aujourd'hui n'ont donc pas pu l'inqulquer à leurs enfants.
En restera-t-il tout de même des traces dans la dialectique locale ?
Évidemment ! 90 % des Manchots appellent toujours une poignée de porte une « clenche » ; parlent de « berne » et non de berme pour désigner le bas-côté de la route ou « barrent » leur porte au lieu de la fermer à clé... Mais l'inverse est également vrai : certains termes se sont généralisés comme le normand « goûtu », devenu « goûteux » dans le dictionnaire ou le « buccin » local qui a inspiré le « bulot » national...
source ouest france