Pour 55 euros, devenez actionnaire du paquebot « France ». C'est en substance ce que propose le Club Le France Prestige, une association montée à Honfleur il y a trois mois par une poignée de nostalgiques de l'ancien fleuron de la Transatlantique.
Ses membres ont lancé une souscription internationale du 11 octobre au 26 novembre en vue de recueillir 100 millions d'euros, somme destinée au rachat du navire pour le transformer en hôtel de luxe ancré à Honfleur.
Derrière son écran d'ordinateur, à Boissy-le-Châtel (Eure), Jean-Philippe Prieur, le président du club, compte ses sous : « 1.500 euros versés en quatre jours par les premiers souscripteurs », via le site Internet de l'association (www.clfp.fr). « C'est un pari un peu fou. Le projet de la dernière chance », reconnaît ce Normand de souche, qui se présente comme « un simple informaticien qui se bouge » pour sauver le navire du démantèlement.
Pauvre « France », rebaptisé « Norway » puis « Blue Lady », aujourd'hui échoué dans la baie d'Alang, au large des côtes indiennes. Son sort est suspendu à la décision de la Cour suprême de New Dehli, qui le 4 décembre autorisera, ou non, le découpage du liner. En balance : la sécurité des ouvriers sur le chantier de démolition. Comme le « Clemenceau » qui a dû faire machine arrière, l'ex- « France », désormais entre les mains d'un ferrailleur indien réputé peu scrupuleux, est truffé d'amiante. Près de 1.000 tonnes selon les organisations écologistes.
« L'amiante ? C'est un faux problème, rétorque Jean-Philippe Prieur. Les technologies existent pour l'ôter proprement. » D'ailleurs, son projet « ne nécessite pas le désamiantage complet du paquebot, mais des deux tiers. Le tiers restant est emprisonné dans des parois parfaitement étanches qu'il est inutile de dessouder. » Coût estimé : 10 à 12 millions, calculés « sur la base des projets antérieurs ». L'un des derniers en date, sur le même principe, c'est la souscription lancée en 2003 par l'association « Pour le paquebot France » de Saint-Nazaire, qui compte parmi ses membres un certain Jean-Philippe Prieur. « Notre souscription est bloquée en attendant le 4 décembre » indique le président Jacques Lhéritier, qui soutient l'initiative « indépendante » du Club Le France Prestige. Lui se bat aux côtés des ONG, à Bruxelles, pour faire barrage au désamiantage en Inde.
S'il réussit son pari, Jean-Philippe Prieur espère récupérer l'argent de la première souscription, « de l'ordre de 20.000 euros ». Sachant que « les 100 millions escomptés représentent le but final. Il suffirait de 25 millions pour attirer les investisseurs ». Il ne lui reste plus qu'à trouver 24.988.500 euros.[b]