VENDANGES HIER SUR LES PLATEAUX EST de rouen
Le « Cru du Mesnil » a trente ans
Gérald Pellerin a les mains d'un homme qui peut tout faire pousser. Il possède aussi dans les yeux la joie du jardinier. Une passion qui l'a un jour conduit, il y a trente ans, à planter sa vigne. Et hier comme chaque année, il a vendangé, avant de fouler aux pieds, de mettre en cuve et de travailler à la vinification du « Cru du Mesnil ». Que du plasir, des raisons pour sa fine moustache de frémir.
Maître du potager
Rien de spectaculaire en bien des régions de France, mais le septuagénaire et son épouse Georgette habitent l'agglomération rouennaise. Un pavillon soigné du Mesnil-Esnard, où les grappes de raisin blanc et noir profitent du soleil des plateaux Est. « Je crois que l'année va être bonne; j'ai déjà quarante kilos de raisin, du noir et du blanc. Mais il faudra du temps avant de boire le cru 2006... »
A l'origine, Gérald est un maître du potager. Six fois premiers prix des jardins ouvriers qui jouxtent sa propriété, il est maintenant maitre des salades et haricots, des tomates et poireaux, en son propre jardin. L'affinité avec Bacchus vient de sa famille proche, et perpétue une tradition qu'il espère bien léguer à son fils, installé à Saint-Aubin-Celloville, qui possède lui aussi quelques pieds.
« C'est mon beau-père, qui était de Fécamp, qui m'a donné le virus. C'est pourtant le poisson là bas... J'ai commencé avec une vingtaine de pieds, mais attention: je n'en ai jamais acheté, je fais mes boutures moi-même! » Il y a de la joie et de la fierté chez Gérald. L'homme a beaucoup contribué à la vie collective de son coin de vie choisi: « J'ai usé mes fonds de culotte sur les bancs de l'école communale, et après avoir été maçon, je suis devenu contremaître principal à la Mesnil-Esnard. Pendant trente-six ans, j'ai aussi été sapeur-pompier volontaire à la caserne, dont je suis toujours le porte-drapeau. C'est peut-être tout ça qui m'a conservé...».
« Tout ça », comme il dit l'œil taquin, depuis trente ans attelé à la fabrication de son petit cru bien particulier. « C'est un vin apéritif, à ne pas prendre avec du fromage! Je le parfume un peu à l'écorce d'orange amère, mais ce goût ne doit pas être trop prononcé ». A la cave, s'alignent quelques dizaines de témoignages des millésimes précédents, mais rien avant 2003. Evidemment, la production est consommée, en famille ou entre amis. Avec modération, selon la formule réclamée par la loi, puisque Gérald ne réussit à emplir qu'une soixantaine de bouteilles. Toutes dûment étiquetées selon un dessin original de sa petite fille Séverine. « Une artiste... » A sa façon, Gérald mène lui aussi une vie très créative. Mais pour lui, tout vient d'abord de la terre.