Les Gallo-romains de la ville antique d'Evreux étaient-ils des faux-monnayeurs ou ont-ils profité du désordre politique du moment? Des pièces de bronze datées du IIIe siècle viennent d'être découvertes à Parville (Eure): la plupart sont fausses mais d'époque.
Le trésor, constitué d'un total de 100 pièces, a été découvert dans un ancien fossé sur un site, d'abord gaulois puis gallo-romain, actuellement fouillé par les archéologues de l'Inrap (Institut national de recherches archéologiques préventives) avant la construction d'une déviation routière.
"Il y a 100 pièces dont 73 sont des fausses", explique Fabien Pilon, qui prépare un doctorat en archéologie à Paris-X sur le faux-monnayage antique.
Les vraies datent pour la plupart du Haut-Empire et vont de Domitien à Commode (de 81 à 192 après J.-C.), les fausses - et quelques vraies - sont à l'effigie de l'empereur "usurpateur" Postumus (260-269), premier empereur gaulois.
"On les a trouvées concentrées, mais en vrac", ajoute Laurent Paez-Rezende, archéologue en chef responsable de la Haute-Normandie pour l'Inrap. "Peut-être étaient-elle regroupées dans un réceptacle en matière organique, du tissu, du cuir, mais qui n'a pas laissé de trace", ajoute-t-il.
Le "problème est maintenant de savoir s'il s'agit du bas de laine d'un individu, d'une offrande aux dieux ou si ce sont des faux-monnayeurs qui ont mis des pièces de côté avant de pouvoir les écouler?", s'interroge-t-il.
Selon M. Pilon, "plusieurs ateliers de fausse monnaie se sont développés sous Postumus", un général porté au pouvoir par ses légionnaires et peut-être impliqué dans le meurtre du fils de l'empereur officiel Gallien.
En 263, il "arrête brusquement d'émettre les bronzes officiels qui étaient frappés à Trèves. Les gens se sont retrouvés sans cette monnaie dont ils avaient besoin pour les échanges courants et les faux-monnayeurs ont trouvé là un nouveau créneau", dit-il. "Les gens se fichaient de savoir si c'était une vraie ou une fausse pièce, même quand ils savent que c'est une fausse, ils l'utilisent telle quelle".
"La monnaie de bronze, c'est l'euro d'aujourd'hui", ajoute M. Paez-Rezende. "Il n'y en a pas assez en circulation, alors en fabrique !", dit-il.
Pourtant, il est "peu probable" que le trésor de Parville soit les restes d'un atelier, "nous n'avons pas trouvé le matériel lié à la fabrication de fausse monnaie", ajoute Fabien Pilon.
Est-ce alors un dépôt votif, la "stips", l'offrande en monnaie offerte aux dieux romains ? Peut-être, mais elle serait alors liée à un temple, et le bâtiment carré de riche apparence mis au jour par les archéologues sur le site n'a pas encore dévoilé son identité: édifice religieux ou maison de maître ?
"Pour moi, c'est un bas de laine", avance Fabien Pilon. "Je pense que les gens n'ont pas réutilisé cette monnaie parce qu'elle a été démonétisée en 270, mais ça restait tout de même une réserve de métal", conclut-il.