Depuis des années, le tuyau d'alimentation en eau
potable de la centrale nucléaire du Nord-Cotentin fuyait. Perte sèche :
60 000 m3 par an. La consommation annuelle de 1 500 personnes !
CHERBOURG. - Une centrale nucléaire consomme en moyenne 20 000 m3
d'eau potable par réacteur et par an. La centrale de Flamanville, dans
la Manche, compte deux réacteurs. Elle devrait donc dépenser, chaque
année, 40 000 m3. Eh bien non ! Dans le Cotentin, les histoires de robinets qui fuient peuvent prendre des proportions titanesques.« Notre consommation s'élève à... 100 000 m3 » par an, confie, un peu penaud, Éric Villatel, le directeur de la centrale normande. Deux fois et demie ses besoins ! 60 000 m3
perdus dans la nature à cause de fuites, soit la consommation annuelle
de 1 500 personnes et une surfacturation avoisinant les 40 000 €
annuels.Jusqu'à présent, cet excès n'avait choqué personne. Il a
fallu que la communauté de communes des Pieux, qui gère la distribution
d'eau potable en régie directe, se préoccupe des besoins du futur
réacteur EPR, pour qu'EDF se penche sur le sujet.« La centrale représente 10 % de la consommation de notre communauté de communes », explique Daniel Lemenuel, directeur des services. « Avec
la mise en service de l'EPR nous avons voulu savoir si nous devions
envisager d'effectuer de nouveaux forages. Et, si tel était le cas,
quelle serait la participation financière d'EDF. »Cet appel au portefeuille a réveillé l'esprit d'économie du groupe électrique. « Nous avons regardé de près notre consommation. Après inspection, nous avons découvert plusieurs fuites, dont une très importante », poursuit Éric Villatel.« Une petite fuite qui a grossi »Depuis combien de temps le tuyau est-il percé ? Comme le fût du canon, depuis un certain temps. « Sans
doute une petite fuite qui a grossi avec les années. Difficile de
contrôler les canalisations. Elles sont enterrées et ont été
construites en même temps que la centrale », au début des années 1980. On a donc contourné la fuite principale, sans pouvoir agir sur les fuites secondaires.Gourmande
en eau potable, la centrale prélève également de l'eau de mer pour les
circuits de refroidissement des réacteurs. Elle se sert aussi, en
direct, dans les trois rivières locales, pour alimenter ses circuits
secondaires. « 270 000 m3 par an. » L'arrivée de l'EPR risque fort d'accentuer cette pression. « Nous allons construire une usine de dessalement de l'eau de mer pour réduire ces prélèvements d'un tiers », indique la direction.À
la communauté de communes des Pieux, on demeure toutefois perplexe sur
les quantités qu'il faudra réellement fournir. Une inquiétude à double
détente. La crainte de ne pas disposer de ressources naturelles
suffisantes passe toutefois après l'angoisse de perdre un gros client.
Dans le Cotentin, où l'on est habitué à voir l'argent nucléaire couler
à flot, on redoute plus les robinets fermés que ceux qui fuient.
source ouest france